Cette découverte aussi majeure qu’inattendue offre un nouvel éclairage sur ce site gallo-romain.
Avec plus d'1,5 hectares les fouilles archéologiques du site Saint-Louis représentent le plus grand chantier urbain de France, et ça se passe à Évreux ! Confiées à la Mission Archéologique Départementale de l'Eure (MADE), les fouilles préventives se clôturent fin 2022 pour laisser place à un grand projet d’urbanisme porté par la SHEMA.
Une fenêtre ouverte sur 2000 ans d’Histoire
“Nous intervenons avec mes équipes car il y a des vestiges qui sont menacés par un projet de construction, c’est cela l’archéologie dite préventive” explique Pierre Wech, archéologue de la collectivité territoriale responsable scientifique de ce chantier extraordinaire en plein cœur urbain.
La ville d’Évreux est bien connue pour son passé antique et médiéval. Les fouilles exceptionnelles démarrées en septembre 2021 ont permis aux Ébroïciens et Ébroïciennes d’en savoir plus sur l’histoire de leur ville lors de nombreuses visites commentées ouvertes au grand public – échelonnées sur les 18 mois du chantier- lors notamment des Journées Nationales de l’Architecture ou des Journées Européennes du Patrimoine.
“Ce qui est exceptionnel, c’est la taille de ce chantier : 15 000 m2 en centre-ville ! Ce chantier est aussi remarquable par sa diversité en termes de vestiges archéologiques : des rues, des maisons ! Les vestiges les plus récents sont ceux de l’hospice du 19ème siècle et les vestiges les plus anciens sont des thermes gallo-romains !”
La découverte récente d’un temple romain
Pierre Wech et ses équipes sont formels, ils viennent de faire une découverte aussi inattendue qu’exceptionnelle : un temple romain en plein cœur des fouilles archéologiques !
“Nous avons identifié sans aucune ambiguïté le plan du bâtiment qui est assez caractéristique de la Gaule Romaine : c’est un temple à plan centré, pour faire simple ce sont deux carrés emboités. Au centre, dans le carré interne qui est le plus petit, nous avons la « cella». Autour de cette « cella », il y avait une galerie où se déroulaient des rites.” explique Pierre Wech, visiblement encore ému par cette découverte récente.
Ce temple romain servait à honorer les divinités. C’était un bâtiment public monumental assez ostentatoire, voire clinquant. Comme tous les temples romains, il était sans doute très coloré par des peintures ou des marbres de couleurs. Malheureusement le vestige a souffert des aléas de son histoire. Le site a en effet été nivelé au Moyen Age et les vestiges sont très arasés. Il faut donc un peu d’imagination pour se figurer ce temple romain qui devait sans doute mesurer plus de 15 mètres de hauteur, dont il ne reste plus que les épaisses fondations : des murs de 80 cm.
“Un mur gallo-romain de 80cm d’épaisseur, ce n’est pas une maison ! C’est une construction publique monumentale. Cette découverte est importante car ça remet en question beaucoup d’interprétations que nous avions jusqu’à présent sur la morphologie de ce quartier de la ville antique. On a également découvert une rue inédite qui séparait les thermes de ce temple.”précise l’archéologue.
Un chantier pratiquement achevé …
Le chantier touche presque à sa fin et la quinzaine d’archéologues sur le terrain depuis 18 mois n’est pas déçue par cette aventure incroyable. Les grands éléments sont connus. La fin du chantier va s’attacher en préciser les contours et à y apporter une connaissance beaucoup plus détaillée.
D’importantes découvertes y ont été faites telles que l’église et le couvent Saint-Louis au sein duquel se trouvait le cimetière des moines duquel 130 sépultures ont été prélevées.
“Nous avons également énormément progressé sur nos connaissances sur l’hospice du 19ème siècle que nous avons “dépiauté” petit à petit. Toutes ces découvertes créent des jalons dans la connaissance de l’histoire de cet îlot Saint-Louis depuis ses origines jusqu’à nos jours.”commente Pierre Wech.
Que vont devenir tous ces vestiges après la fermeture du chantier de fouilles ?
Les vestiges mobiliers sont prélevés, triés, inventoriés et finissent dans les réserves des Archives départementales sur le site de Gisacum. Les vestiges immobiliers, quant à eux, seront protégés, recouverts de sable et le nouveau projet se fera au-dessus sans les abîmer.
Un chantier exceptionnel qui restera un OVNI archéologique…
Ce chantier tiendra à jamais une place particulière dans le parcours professionnel de Pierre Wech et de ses équipes…
“C’est une vraie chance que de travailler sur un chantier pareil, même s’il engendre forcément de la fatigue et du stress… Un chantier d’un an et demi, c’est énergivore mais c’était un beau challenge et grâce aux équipes, c’est un défi relevé ! Mais nous ne sommes jamais à l’abri d’une nouvelle découverte, majeure ou non ! Je ne pense pas que je reverrai un autre chantier semblable de toute ma carrière d’archéologue !” conclut-il.